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Si vous le croisez dans les rues de Metz, peut-être que vous ne le remarquerez pas, mais Alkan* est un migrant. Voilà un an et demi qu’il a quitté son Albanie natale pour la France. Teinture blonde, le jeune homme essaie de modifier son apparence pour "ne plus ressembler à un albanais" et préserver son anonymat. Récit de son histoire.
En Albanie, Alkan milite au sein d’un parti politique opposant au pouvoir en place. Il raconte qu’un jour d’élections, il est présent lorsqu’un groupe de personnes essaie de corrompre le scrutin en remplissant l’urne de plusieurs votes. Il tente de s’interposer, mais on lui rétorque : "Tu ferais mieux de rentrer chez toi, si tu ne veux pas de problème." Il insiste et c’est ainsi que son calvaire commence. L’après-midi même, Alkan est agressé par ces mêmes personnes en rentrant chez lui. "Ils me mettaient des coups de pieds et de poings. J’étais seul, ils étaient trois. Je ne pouvais rien faire." Cette agression est suivie de menaces quotidiennes. "Un jour j’ai essayé de déposer plainte au commissariat. On m’a répondu qu’ils ne pouvaient rien faire." À cette époque, Alkan ignore encore que l’un de ses agresseurs est lui-même policier. C’est suite à cela qu’il prend la décision de quitter l’Albanie pour la France. "Je n’avais pas le choix. Trois jours avant mon départ, ces hommes sont venus à mon domicile pour me dire qu’ils allaient me tuer."
En décembre 2017, après un périple de plus de 2 000 kilomètres, Alkan met le pied pour la première fois sur le territoire français. Pour y arriver, il a traversé au total six pays en voiture : l’Albanie, le Monténégro, la Croatie, la Slovénie, l’Italie et la Suisse. Une fois arrivé à Strasbourg, il prend un train en direction de Metz puis de Nancy. À Nancy, il demande l’asile auprès des autorités françaises. "Je savais que si je tentais de le faire en Albanie, ma demande aurait été directement refusée." Quelques mois plus tard, il apprend que la France lui refuse l’asile. "On m’a dit que je n’avais pas de si gros problèmes." Alkan quitte alors Nancy pour Metz. "Mon but initial était de venir à Metz. En Albanie, j’avais entendu aux informations qu’il s’agissait d’un centre d’accueil pour les demandeurs d’asiles. Je savais aussi qu’il y avait une forte communauté albanaise." En avril dernier, Alkan a fait appel de la décision. Il est aujourd’hui dans l'attente de la réexamination de son dossier. Cela devrait prendre entre trois et six mois.
Je savais que si je tentais de le faire en Albanie, ma demande aurait été directement refusée
En attendant, pour subvenir à ses besoins, Alkan travaille la semaine dans le bâtiment. Il est logé chez l’un de ses amis. "À Metz, je connais beaucoup plus de personnes qu’à Nancy, des Albanais mais aussi des Français. Cependant, je n’ai pas beaucoup d’amis. Quatre ou cinq, pas plus." À la rentrée prochaine, il projette de reprendre ses études. "J’aimerais beaucoup apprendre le français. Cela me faciliterait vraiment la vie au quotidien." Après ça, il envisage de s’installer durablement à Metz et pourquoi pas de passer un CAP, mais "chaque chose en son temps", confie-t-il. Quand on l’interroge sur sa famille restée au pays, il ne pense pas qu’elle soit en danger. Ses agresseurs n’en avaient qu’après lui, mais comme on dit en Albanie : "Les mots s’envolent avec le vent." Donc, il n’est sûr de rien. Alkan avait aussi entendu que la France protégeait les personnes dans le besoin. Aujourd’hui, il confirme : "Je suis ici depuis un an et demi et je vais bien." Il ajoute : "C’est encore plus vrai à Metz. C’est une préfecture plus humaine, plus à l’écoute."
* Son prénom a été modifié pour préserver son anonymat