Raphaël PITTI, MéDECIN POLITISé
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À 68 ans, Raphaël Pitti, a déjà un long parcours derrière lui. Médecin humanitaire durant de nombreuses années aux quatre coins du monde, il a été nommé élu à la mairie de Metz en charge des urgences sociales et humanitaires en 2014.
Derrière ses yeux bleus, sa barbe finement taillée et son costume tiré à quatre épingles, Raphaël Pitti se veut discret et réservé sur son passé. En 2018, il a rendu à Emmanuel Macron l’insigne d’officier de la Légion d’honneur. Elle venait de lui être remise. En protestation contre l’accueil indigne fait aux migrants en France depuis plusieurs mois, il l'a refusée. “Avant l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait assuré que la France prendrait toute sa part de responsabilité dans l’accueil des migrants. Or, nous avons surtout vu une attitude répressive envers eux”
Il l’assure avec certitude : “la ville de Metz a toujours été très sensible à la situation des migrants. Elle s’est toujours mise à la disposition de l’État pour l’aider à organiser leur accueil.” Face au camp de Blida, la mairie a fait front pour ne pas voir la situation perdurer et s’aggraver. “Nous avons fait en sorte que Blida ne se reproduise pas. Le lycée Jean-Victor Poncelet est devenu un centre d’accueil et un local a été ouvert sur le parking de la patinoire pour aider les personnes en grande situation de vulnérabilité.”
Sur l’accueil des migrants, l’État a préféré tout prendre en charge et c’est une grave erreur
Raphaël Pitti regrette néanmoins l’individualisme de l’État dans la prise en charge et l’accueil des migrants, notamment après les promesses de la campagne présidentielle autour de cet enjeu important. “En 2017, les maires des grandes villes de France ont demandé à Emmanuel Macron d’avoir un rôle à jouer sur ce sujet. L’État a préféré tout prendre en charge et c’est à mon avis une grave erreur. Je pense que ceux qui connaissent le mieux nos territoires, ce sont les maires et donc c’est à nous d’aider à la prise en charge des migrants”, affirme-t-il.
Il reste aussi un homme attentif à l’analyse que l’on peut faire des migrants et des demandeurs d’asile. Il porte un discours critique à l’égard des médias.”Il n’y a pas de crise migratoire comme le relate la presse aujourd’hui. Cette problématique a été réglée par l’Allemagne il y a trois ans. Elle a accueilli 800 000 personnes sur son territoire. Nous sommes ensuite revenus dans une situation que nous connaissions avec un mouvement migratoire constant depuis dix ans.” D'après lui, les médias ont exagéré un phénomène présent depuis des décennies et qui évoluera à l'avenir.
L’ancien médecin humanitaire se montre moins complaisant face aux erreurs du gouvernement.“Il fait le distinguo entre les migrants et les demandeurs d’asile. Pour eux, le migrant arrive pour des raisons économiques et le demandeur d’asile arrive à cause de la guerre. L’humain ne se marchande pas !”
Il ajoute : “La France ne se donne pas les moyens d’accueillir les migrants. Nous ne sommes pas organisés.” Metz l’a d’ailleurs payé pendant plusieurs mois. Seul guichet unique de la région Lorraine, elle a vu arriver des centaines de migrants, sans pouvoir tous les accueillir rapidement dans des hébergements décents. “L’État a été débordé. Les structures ont été débordées. De fait, les gens ont été contraints de créer des camps illicites.” Pour éviter de nouveau un tel scénario, Raphaël Pitti souhaite que l’on démultiplie les guichets uniques en Moselle. La ville serait alors moins touchée par les arrivées massives de migrants : “Il pourrait très bien y avoir un guichet à Thionville ou dans d’autres villes du département comme Sarreguemines. On doit pouvoir créer des nouveaux dispositifs d’accueil. La Belgique et l’Allemagne y sont arrivés, pourquoi pas nous ?” Le débat est lancé.
Le maire de Metz, Dominique Gros, a demandé depuis plusieurs mois une meilleure répartition des migrants. “Je ne vais pas pouvoir tenir longtemps avec des gymnases occupés”, a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse sur la pression migratoire en octobre 2018. Face aux citoyens, il a également sollicité le gouvernement d’Emmanuel Macron pour l’ouverture d’autres guichets uniques en Lorraine et ne pas concentrer l’arrivée massive des migrants sur Metz.