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L’histoire de l’immigration est indissociable de celle de la France et de la Lorraine. Deux universitaires spécialistes de la question : Catherine Wihtol de Wenden et Piero Galloro, apportent leur éclairage. Rétrospective de l’histoire de l’immigration à l'échelle locale et nationale depuis 150 ans.
À l'échelle nationale, Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS et politologue spécialiste de la question, invite également à la prudence par rapport au terme "crise migratoire." "Nous avons eu assez peu de demandes d’asile de la crise de 2015. La majorité de ces demandes ont été faites en Allemagne. C’est également le cas pour celles de 2011. Globalement, nous avons été assez peu affectés par les nouveaux arrivants "exceptionnels" des crises politiques des pays qui nous entourent."
La première phase de migration en France, correspond à la période dite des "Trente Glorieuses" de 1945 à 1975. Catherine Wihtol de Wenden explique : "En 1945, la France manquait terriblement de main-d’œuvre. On ressortait d’une période de déclin démographique et des deux guerres mondiales. La France a donc fait appel à une immigration dite de travail." Cette migration a d’abord été européenne, avec des Italiens et des Polonais, suivis par des Espagnols et des Portugais. Puis, ce sont les Maghrébins, les Yougoslaves et les Subsahariens qui se sont étalés jusqu'en 1974. À cette date, la France comme beaucoup de pays européens, suspend l’immigration de travail. Les non-européens ne peuvent alors plus rentrer sur le territoire national librement. Cela coïncide avec une phase de récession économique causée notamment par la première crise pétrolière. Malgré tout, la France a toujours besoin d’immigration.
Si la France est le plus ancien pays d’immigration en Europe, la Lorraine n’y est pas étrangère. Grande région industrielle du XXe siècle, de nombreux étrangers sont venus travailler dans ses mines et ses hauts fourneaux. La première phase de migration date des années 1880. Encore aujourd'hui, Metz est l’un des points d’accueil de migrants en France. Histoire des migrations en Lorraine de la fin du XIXe siècle à nos jours.
La seconde phase s’étend de 1975 à 1995. C'est à cette époque que débutent les politiques de retour. On commence également à définir l’intégration avec un secrétaire d’État à l’immigration sous Valérie Giscard d’Estaing. D’ailleurs, sous sa présidence on dénombre beaucoup de sans-papiers car les immigrants ne peuvent plus les obtenir facilement depuis 1974. En 1981, avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand beaucoup d’entre eux sont régularisés. Une seconde vague de régularisation a lieu en 1997. La politisation du mouvement migratoire se développe au milieu des années 1980. C’est le début du Front National. Cette période est aussi marquée par le développement de la vie associative, des mouvements beurs et des émeutes urbaines.
La dernière est celle dans laquelle nous sommes depuis 1995. Catherine Wihtol de Wenden la qualifie de "phase de reprise des réfugiés." Cette période est marquée par de nombreuses crises qui ont amené des populations à immigrer. "C’est d’abord les crises yougoslaves et algériennes, puis celles des Grands Lacs ou encore celle de la corne de l’Afrique... Et c’est enfin les révolutions arabes, malgré leur faible impact sur la France et la guerre en Syrie. Cette troisième phase se caractérise par l’arrivée d’Européens de l’Est suite à la chute de l’URSS et des réfugiés des pays du Sud."
La part de l'immigration de travail en france
DE 1945 à 1975
aujourd'HUI
90%
15%
source : Catherine Wihtol de Wenden
Depuis 1945 EN FRANCE, trois phases migratoires se sont dessinées
Invasion, "Grand Remplacement"… Une sorte d’hystérie semble s’être emparée d’une partie de la population française vis-à-vis de ce qu’on qualifie de "crise migratoire." Piero Galloro, Maître de conférence à l'Université de Lorraine et spécialiste de la question migratoire, invite pourtant à relativiser le phénomène. “Lors des années 1880, 1920 ou 1950, les chiffres des arrivés se comptaient en milliers. Or aujourd'hui ils sont peut-être quelques dizaines, centaines" déclare-t-il.